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Solarium, les contrées originelles par Frensheska Kandinsky
29 mai 2017

Chapitre 5

– Partez de chez moi ! Bande de voyous ! s’écria une voix féminine. 

 

Konil et moi venions d’arriver dans ma chambre à Paris. Je regardai le garde avec un air paniqué.

 

– C’est ma mère !

 

Konil dégaina aussitôt son épée. Il s’engouffra à vive allure dans mes escaliers. Je me précipitai derrière lui en passant mon amulette autour de mon cou. Elle brillait intensément.

En arrivant dans le salon d’où provenaient les cris, je restai interdite dès que je les vis. Des marsumiens hideux la brutalisaient. Ils devaient être une dizaine agglutinés au beau milieu du mobilier que j’avais toujours connu, un voile de haine dans les yeux. L’un deux tenait fermement les poignets de ma mère entre ses mains poilues et griffues. Le regard de celle-ci se posa sur moi au même instant, et je sentis un profond sentiment de peur l’envahir.

 

– Appelle la police ! dit-elle.

 

La police était inutile face à de tels monstres. 

 

– Occupez-vous de ceux de gauche mademoiselle Kimberlake,  je prends la droite, me dit alors la voix de Konil en pensée.

 

Quelques instants après, le garde passait aussitôt à l’action. Il planta son épée dans le premier monstre qui se rua sur lui. Le monstre poussa une lugubre plainte avant que Konil ne lui tranche la tête. L’un des monstres s’en prit à moi.

 

– Ne la touchez pas ! criait ma mère.

 

Le marsumien ignora son avertissement un rictus malveillant déformant ses lèvres. Sa main difforme s’abattit sur ma joue, et m’arracha un hurlement. Lorsque je me ressaisis, je n’étais que colère. Le plat de ma main frappa les côtes du monstre, et je lui fis un croche pied. Mon entraînement payait. Le monstre grogna, et des vers s’échappèrent de sa gueule noircie par le tartre lorsqu’il tomba à la renverse. Mon amulette me brûla soudainement la peau. Je criai au beau milieu du salon. Je saisis l’objet dans ma main pour échapper à la douleur.

 

– Mademoiselle Kimberlake, vous allez bien ? cria Konil depuis l’autre bout de la pièce.

 

Une magnifique épée d’une lueur rosée surgit au moment même où Konil hurlait mon nom, d’entre mes mains. Je vis furtivement le visage de mon gardien se peindre d’une réelle surprise. Puis deux autres monstres se précipitèrent sur moi, toutes griffes dehors, avant que je n’ai pu réaliser moi-même ce qui venait de se passer. Je regardai mon amulette-épée entre mes mains. Une chose était sûre : ça allait être un bain de sang. Ma nouvelle épée se figea dans la chair du premier monstre qui m’assaillait. Celui-ci hurla, et tenta de me griffer à l’abdomen. J’esquivai l’attaque en bifurquant sur le côté libre, fis tournoyer mon arme dans les airs, et coupa la tête du monstre sans état d’âme. Du sang bleu m’éclaboussa, et le corps du marsumien s’effondra avec fracas sur le sol de mon salon.

 

– Ravissant, murmurai-je.

 

Je ne vis même pas mon deuxième assaillant lorsqu’il agrippa ses mains répugnantes autour de mon cou, et qu’il serra. J’étouffais. Mon épée brilla au moment où je ne voyais plus comment reprendre le dessus. Entre mes doigts égratignés, je savais ce qu’elle attendait. Je retournai l’arme contre moi-même, et la plantai dans le corps du monstre derrière moi. Il fut déstabilisé, ce qui me permis à lui aussi, de lui trancher la gorge. Le monstre tomba. Et ma mère hurla de plus belle. 

Je la cherchai du regard. Elle se débattait contre l’un des marsumiens. Il s’apprêtait à lui porter un coup fatal de ses griffes. Mon sang bouillit.

 

– Eh toi, mocheté ! hurlai-je à l’attention du monstre.

 

Je lui lançai mon épée au travers du salon. Elle se planta dans son crâne, entre les deux yeux. Ma mère hurla à nouveau, et me lança un regard de pure incompréhension. Puis ses yeux s’écarquillèrent, et elle couina :

 

– Derrière toi !

 

Je me retournai précipitamment. Je vis alors le dernier survivant marsumien me menacer d’une épée… ressemblant étrangement à la mienne. A l’exception près qu’elle luisait d’un bleu sombre. Un sourire cruel étira ses lèvres tordues.  

 

– Azitane, avec toi périt l’avènement de la Renaissance, dit le monstre dans un français torturé.

 

Il brandit son épée au dessus de sa tête, la gueule dégoulinante de bave.

 

– Arrière ! cria Konil.

 

Le garde avait bondi devant mon assaillant. Je me tenais derrière lui lorsque le monstre poussa un long cri. Tout en étirant ses lèvres putrides, il partit d’un rire dément. 

 

– Ôte toi de mon chemin mercurien, cracha le marsumien.

 

Le monstre ria plus fort. De la bave bleue coula encore de sa mâchoire. Ainsi que des larves qui se tortillaient à l’intérieur du liquide. Je vis Konil resserrer son étreinte autour du manche de son épée.

 

– Pathétique, articula difficilement le monstre.

 

L’épée de Konil frappa celle du marsumien avec une force impressionnante. Dangereuse. Rapidement ce fut l’épée de Konil qui se brisa sous l’impact de celle de son assaillant. Le monstre leva aussitôt son épée d’une lueur bleutée dans les airs, s’apprêtant à couper mon gardien en deux. Et je ne savais même pas où était ma propre épée, réalisai-je avec panique. Comme pour répondre à ma remarque, mon épée se retrouva de nouveau dans ma paume après avoir volé d’elle même depuis l’exact opposé de la pièce. Je restai hébétée quelques secondes avant de renouer avec mes réflexes de combat. Ma nouvelle épée trouva celle du monstre avant qu’elle n’atteigne sa cible. Mais la violence de ce contact m’envoya valser à l’autre bout du salon.

 

– Leen ! 

 

Ma mère accourut vers moi, juste au moment où le marsumien se précipitait aussi en ma direction. Il venait d’asséner un puissant coup de poing à Konil, qui s’était laissé déconcentré par mon vol plané. Le marsumien lui n’hésita pas, et brandit ses griffes avec fureur. Je réalisai alors avec horreur que ma mère venait de faire barrage entre mon corps endolori et mon potentiel assassin empli de haine, la menant à une mort inéluctable. Je rassemblai ce qui me restait de force et me jeta sur ma mère, juste au moment où le monstre hideux arrivait justement à sa hauteur. Il planta profondément sa griffe dans mon dos et la retira vivement. Je sentis un flot de sang imbiber mon t-shirt, avant de sombrer.

 

– Madame Kimberlake, votre fille…

 

Konil s’interrompit.

 

– Votre fille est réveillée !

– Leen ? 

 

J’ouvris difficilement les paupières. J’étais allongée sur ce qui restait du canapé du salon. J’avais terriblement mal au dos. On m’avait posé un bandage.

 

– Restez allongée, je vous ai appliqué un onguent, résonna la voix de Konil dans mon crâne.

– Qu’est ce qui s’est passé ? articulai-je péniblement.

– Je vais te le dire, moi ! Des délinquants ont tenté de cambrioler ma maison ! Et en plus, ils l’ont dévastée ! s’emporta ma mère, qui était devenue rouge de colère.

– Votre mère n’a pas remarqué que les marsumiens étaient morts, me fit Konil en pensée, leurs corps se sont volatilisés. Je contrôle actuellement son esprit. J’ai modifié quelques peu sa mémoire. Et j’ai réussi à lui faire oublier une partie des événements récents, dont votre état et l’identité des marsumiens. Malheureusement, je n’ai rien pu faire pour masquer les dégâts matériels dans votre maison…

– Comment ça modifié sa mémoire ?

– J’ai créé des souvenirs plus concevables dans l’esprit de votre mère.

 

L’étendue des compétences de Konil en matière de contrôle mental me fit frissonner. J’avais peut être sous estimé le danger que représentaient les mercuriens… Leurs corps s’étaient volatilisés… repensai-je soudain pour moi-même. Cela me rappelait la disparition du corps de l’antiquaire. La voix de ma mère me sortit de mes souvenirs.

 

– Leen, jure moi que tu ne les connaissais pas !

 

Je levai les yeux au ciel. 

 

– Je ne vois pas où tu vas chercher ça…

 

Ce mensonge me mit mal à l’aise.

 

– Je sais très bien de quoi tu es capable.

 

Je la dévisageai. Elle se tenait en face de moi. Allait-elle me parler une énième fois de la disparition de Lucas ?

 

– Oh je vois, tu penses toi aussi que je l’ai tué, hein ? Donc à tes yeux, je suis capable de n’importe quoi !

 

Ma mère marqua une pause. Son visage n’exprimait rien. Et pourtant ses yeux acquiesçaient silencieusement. Je n’arrivais pas à croire que ma propre mère ne me fasse pas confiance. Plus je la regardais, et plus je me demandais même qui était en réalité cette femme en face de moi. Et une évidence s’imposa alors à mon esprit.

 

– Alors tu m’as adoptée, pas vrai ?

 

Son visage se décomposa littéralement.

 

– Qui t’a dit ça ?

 

Je venais à peine d’en avoir l’intuition. Selon les oracles et selon tout le monde, je bénéficiais de grands pouvoirs. Comment se serait-il pu qu’une humaine comme ma mère puisse être ma mère biologique ? Elle tenait des discours que je trouvais désormais aberrants par rapport à ce qu’était ma nouvelle vie, tout simplement parce qu’elle ne se doutait de rien. J’eus envie de fondre en larmes, mais je me rappelai alors que Konil était présent.

 

– Je ne comprends pas ce qu’ils faisaient chez moi, lui fis-je. 

– Je ne sais pas non plus. Ce n’est pas dans leurs habitudes. 

 Comment ça ? 

 Les excursions sur Terre.

– Ils se sont peut être dit que l’adoption était une grande réussite, et que cette femme avait réussi suffisamment à m’aimer pour tenter de me protéger d’eux. 

 

Je sentis la distante compassion de Konil.

 

– J’ai réussi à lire dans l’esprit de l’un d’eux. J’ignorais que c’était possible. 

– Et alors ? 

– Je suis perturbé par ce que j’ai découvert. 

Pourquoi ? 

Le monstre avait pensé "Goum toukala fraum Mercurysse"… Mon marsumien n’est certes pas excellent, mais littéralement cela signifie, "Gloire à la Mercury noire et félonne". 

 

Je restai figée.

 

– Leen, tu m’écoutes !

 

Ma mère venait de me crier dessus. 

 

– Non, je ne t’écoute pas.

 

Je me levai franchement du canapé pour m’éloigner le plus loin possible d’elle. 

 

– …De toute façon au vu des circonstances, le mieux serait que tu ailles dans cette pension.

 

Je ris intérieurement. Elle avait toujours pensé que m’envoyer en pension revenait à m’enfermer en prison. Pourtant, j’aurais préféré aller en pension plutôt que d’assumer ma nouvelle vie.

 

– Nous pouvons toujours faire demi-tour, dit Konil en ignorant ma mère.

– Hors de question.

 

Je regardai Konil droit dans les yeux. 

 

– Je ne crois pas que les mercuriens soient de mon côté.

– Mercury a toujours fait de son mieux pour protéger Solarium et…

– Tu as lu ce que je pensais ce Marsumien, Konil !

– Ils n’ont jamais été très fiables.

– Je crois qu’au contraire c’est parfaitement cohérent. Il pourrait s’agir d’un complot ?

 

Le visage de Konil se ferma un peu plus. 

 

– Admettons, de toute façon il faut que l’on trouve un endroit moins dangereux. 

– On a qu’à aller ailleurs…  Allons sur Vénusia ! La prophétie dit que je suis vénusienne.

– Que fait-on de votre mère ?

– Elle sera mieux sans moi.

 

Je reportai mon attention sur ma mère adoptive, Louise Kimberlake. 

 

– Konil et moi, on va aller chez Molo.

– Je ne t’en n’ai pas donné l’autorisation !

 

Konil me regarda désespérément. 

 

– Ah oui ? Bah, tu ne m’as pas donné naissance non plus !

 

Je remontai dans ma chambre à toute vitesse, en grimaçant à cause de la douleur dans mon dos. J’attrapai mon sac et y engouffrai quelques affaires. Ma mère fit irruption sur le seuil de ma porte, le visage couvert de larmes. 

 

– Ne me laisse pas… Je suis désolée… ma chérie… 

 

Je vis volte-face. Moi aussi, j’étais sur le point de fondre en larmes car j’aimais cette femme qui m’avait élevée plus que tout. Mais c’est justement parce que je l’aimais, que je devais être forte, et partir le plus loin possible d’elle. 

 

– Je dois y aller. 

 

Je passai près d’elle sans un regard, et descendis rejoindre Konil. Cela faisait horriblement mal d’aimer une personne plus que son propre bonheur.

 

 

*

*

 

– Nous y sommes ? demandai-je à Konil, en remarquant l’herbe rouge à mes pieds.

 

 Le garde me traînait sur un brancard de fortune qu’il m’avait fabriqué après notre téléportation.

 

– Oui, mademoiselle Kimberlake.

 

Je souris. J’avais finalement convaincu Konil de ne pas se rendre sur Mercury.

 

– Le comble pour une vénusienne.

 

Avant de quitter ma maison à Paris, Konil avait insisté pour que l’on gagne un endroit moins dangereux. J’avais refusé de retourner sur Mercury. Konil m’emmenait donc par dépit, à Vénusia. Je lui en étais reconnaissante, car je ne savais plus où aller. Konil lut la rancune qui me traversa l’esprit.

 

– Je suis désolé.

– Tu parles de ma mère ?

– Oui. 

 

Je marquai une pause. 

 

– Ce n’est rien.

– C’est mieux que votre mère ne sache pas pour Solarium ni tout le reste.

– Je ne comprends même pas ce dont tu parles, Konil. 

 

Je regardai le mercurien avancer les sourcils froncés. Était-il en train de se demander ce que j’étais en droit de savoir ou non ?

 

– Solarium est le nom de cette planète, expliqua Konil, son existence doit rester secrète, c’est l’un des sept grands préceptes.

– Ah… ouais, on me l’avait déjà dit. 

 

Cela semblait si irréaliste.

 

– Et pourquoi l’herbe est rouge ici ?

– Cela doit avoir avec la magie qu’on y pratique, dit finalement Konil après un moment d’hésitation.

– Mais tu n’es pas vraiment sûr hein ?

– Je ne suis pas le plus à même de vous répondre.

– Pourquoi ?

– J’ai eu une éducation limitée.

 

Je riai.  

 

– J’ai vu vos bibliothèques, hein.

– Les simples soldats n’y ont pas forcément accès.

 

Encore une fois, je me dis que le Président avait vraiment quelque chose à cacher. Les mercuriens se vantaient sans arrêt d’être les intellectuels de Solarium, mais tous les mercuriens n’avaient pas un égal accès à cette culture. Nous continuâmes à avancer dans les hautes herbes rouges de Vénusia, au milieu des collines. Konil tirait le brancard de fortune qu’il avait construit dès notre arrivée, avant de m’y déposer. Je n’avais plus vraiment mal, mais Konil pensait que cela me reposerait. Je regardais le ciel en ne pensant à rien.

 

– Puis-je vous poser une question ? me demanda Konil après un moment de silence.

– Oui.

– Comment avez-vous eu cette amulette ?

 

Je me raidis instantanément.

J’avais la manie quasi-obsessionnelle de cacher mon amulette de la vue de tout le monde. Mais je n’avais pas pu la dissimuler pendant le combat.

 

– Je l’ai trouvée sur une scène de crime.

– Une scène de crime ? 

– Quand j’étais à Paris j’ai assisté à un meurtre, avec une fille… Et une espèce d’homme à capuche qui la poursuivait. Mais ça n’a pas tant d’importance finalement… fis-je, faussement désinvolte.

– Comment était cette fille ? 

– Jeune. Et mon nom était tatouée sur sa peau… me rappelai-je aussi moi-même. 

 

Un silence s’installa entre nous. 

 

– En fait, j’en ai déjà parlé à Victor, et nous n’avons pas eu le temps d’en savoir davantage…

 

Je me sentais encore coupable d’avoir été aussi impuissante. En fait, il y avait tellement de choses en général qui m’échappait dans ma nouvelle vie.

 

– Par le Président, jura Konil.

– Quoi ?

 Je pense que vous avez du revivre le meurtre de votre sœur. 

 

Je restai interdite.

 

– J’avais une sœur ?

 

Konil lâcha mon brancard. 

 

– Je suis désolé… Cela est arrivé, il y a quelques années.

– C’est impossible, répondis-je catégoriquement. 

– Mademoiselle Kimberlake, je n’ai aucun intérêt à…

– Attends, c’est impossible ! Je l’ai vue mourir il y a à peine quelques semaines, à Paris !

 

Je me levai du brancard pour faire face à Konil. J’avais l’impression d’être folle.

 

– Calmez-vous, Leen.

 

Konil oublia sa légendaire pudeur et trouva le courage de m’enrouler de ses bras musclés. Leur chaleur me réconforta un instant. Mais cette chaleur était si éphémère comparée au froid qui habitait désormais mon cœur. J’avais l’impression que le monde se dérobait sous mes pieds. Ma sœur était morte. Je ne l’avais jamais connue. Je ne la connaîtrai jamais. Et la seule fois où je l’avais vue, c’était pour mieux la voir mourir tandis que j’échouais lamentablement à la sauver.

L’étreinte de Konil se resserra. Parce qu’il venait de lire mes pensées.

 

– Leen, vous n’auriez pas pu la sauver, car c’était un souvenir.

– Quoi ?

– Je ne sais pas comment c’est possible… Mais, votre sœur n’est pas morte comme vous le croyez. 

– Je ne comprends rien !

– Il y a quelques années, votre sœur a été assassinée à Solarium. Son corps a été retrouvé sans vie, et complètement…

– Lacéré.

 

Konil marqua une pause.

 

– A cette époque sur Solarium, nous pensions tous que les oracles parlaient de votre sœur… 

– Et l’amulette, comment se fait-il que je l’ai trouvée là où j’ai vu ma sœur mourir ?

– Je pense que quelqu’un vous a envoyé ce souvenir, et en même temps, fait en sorte que vous trouviez cette amulette.

 

Si Konil disait vrai, il fallait que je découvre qui était la personne derrière tout cela.

 

– Attendez… vous avez mentionné le capitaine O’connor ?

– Oui, je,… je lui ai dit.

– Et il ne vous a rien révélé sur tout cela ? me demanda Konil.

– Non… 

 

J’essuyai mes larmes sur mon haut de mercurienne.

 

– Tu as connu ma sœur ?

– J’en ai seulement entendu parler.

– Et mes parents ? Je veux dire, mes parents biologiques ?

– Les oracles disent qu’ils étaient puissants.

– Ils sont morts eux aussi ?

– … Oui.

Décidément, j’étais une élue vraiment atypique. Tout le monde voulait me tuer, je ne maîtrisais même pas mes pouvoirs, sans aucune idée de ce que j’avais à accomplir, et bien sûr je n’avais pratiquement aucun allié. 

J’attrapai mon amulette, et l’examinai entre mes doigts.

 

– Et ça, tu sais à quoi ça sert ?

– Oui, c’est un objet magique qui décuple les pouvoirs.

 

A en croire ce qu’en disait le soldat, j’avais l’impression qu’Alutella m’avait été confiée dans le but de m’aider. Pour une fois.

Soudain, une flèche en métal se ficha dans l’herbe rouge juste à côté de nous.

 

– Ils nous ont trouvé ! cria Konil, courez !

 

Je vis Konil se redresser rapidement et se mettre à courir. Il ne me fallut qu’une micro seconde pour déguerpir à mon tour. Konil était devant moi et avait une foulée d’athlète motivée par la peur de la mort. Il me tenait le bras, et me poussait en avant. Nous courions comme de véritables dératés, tandis que d’autres flèches faites de métal se fichèrent dans le sol. L’une d’entre elles siffla si près de mes oreilles, que je crus l’espace d’un instant qu’elle allait me transpercer littéralement le crâne.

 

– C’est quoi ça ! m’époumonai-je

– Des troupes marsumiennes, mademoiselle Kimberlake ! Courez !

 

Mais nous n’allions absolument nulle part. Nous courions à travers un champs et j’étais persuadée que nous allions mourir ici, aussi exposés que nous l’étions. Pourtant mes jambes comme celles de Konil, ne cessèrent de fendre l’air. En fait, réalisai-je, j’avais dit n’importe quoi. Nous allions bien quelque part. Nous allions vers une forêt rouge, très épaisse. Et à vrai dire, mon amulette me brûlait tellement la peau que ça ne laissait présager rien de bon.

Nous courions toujours à travers champs jusqu’à la lisière de la forêt rouge. Mon cœur battait la chamade, de nombreuses flèches venues de nulle part m’avaient ratée.

 

– Un petit effort Mademoiselle Kimberlake, nous y sommes presque ! s’exclama Konil.

 

Il se retourna pour juger de mon état. J’étais à bout de souffle, mon gardien me traînait pratiquement derrière lui. Je me cramponnai alors plus fermement à sa main. Et il tourna encore sa tête dans ma direction pour s’assurer que j’allais bien. Nous étions beaucoup plus près de notre but maintenant. Je distinguai même distinctement la lisière de la forêt et quelques détails qui m’avait échappés… Jusqu’à ce que Konil pousse un cri strident qui retentit dans le champs d’herbes rouges.

 

– Konil ! m’écriai-je.

 

Le soldat m’entraîna dans sa chute. Je me retrouvai par terre avec lui. En me redressant, je constatai avec horreur qu’une flèche en métal était entrée profondément dans la chair de son épaule.

 

– Putain de merde, lâchai-je. Est-ce que tu m’entends Konil ? Konil ? fis-je.

 

Je tapotai vivement les joues du gardien. Celui-ci ne répondit pas. Et ne bougea pas non plus. Je tâtai alors son pouls pour savoir s’il était vivant. Il l’était. Jetant un regard derrière moi, je réalisai soudain qu’il nous restait au moins une bonne centaine de mètres avant d’atteindre la forêt rouge. Affolée, je me remis aussitôt debout, empoignai les jambes de mon gardien, et le traînais.

 

– Désolée, ça va faire mal.

 

Affolée à l’idée de finir empalée dans le champs d’herbes rouges par l’une de ces flèches en métal, je sentais mes forces se décupler. J’avais l’impression que le corps de Konil ne pesait plus qu’un poids très léger.

Je ne pouvais pas m’empêcher de me demander ce que je ferais une fois dans la forêt. Je devais probablement trouver une planque, en attendant que les tirs s’estompent. Et en hauteur de préférence histoire que les marsumiens ne me repèrent pas, si j’étais encore en vie à ce moment-là. Je déglutis. Je me retournai pour juger de mon avancée. J’avais à peine parcouru quinze ridicules mètres, réalisai-je. Une nouvelle pluie de flèches métallisées s’abattit sur nous.

 

– Ils sont là ! Je les vois ! cria soudain une voix au loin.

 

Je scrutai l’horizon en cherchant le propriétaire de la voix. Putain ! Des silhouettes étaient nettement visibles à l’autre bout du champs. Mais… Elles avaient l’air tellement… humaines… Ils devaient être une dizaine de marsumiens. Était-ce vraiment des marsumiens ? Victor m’avait pourtant montré leur camp et… Une flèche siffla près de mes oreilles. Ils tenaient quelque chose dans leurs mains. Je devinai que ce devait être leurs arcs. Je tirai alors Konil par les pieds de toutes mes forces. Je devais y arriver. Les battements de mon cœur suivaient un rythme effréné, j’étais proche de l’apoplexie. Je n’arrêtai pas de surveiller l’avancée des mercuriens dans le champs avec angoisse. Ils étaient rapides. 

 

– N’avancez plus ou je tire ! cria un soldat.

 

Le soldat qui était tout à fait humain venait d’apparaître dans mon champs de vision. Les hommes nous avaient encerclés. Je m’immobilisai dans l’herbe rouge tout en jetant un œil en coin à la forêt. Une cinquantaine de mètres nous séparaient maintenant. Il fallait que j’y arrive et je ne pouvais pas laisser Konil. On était plutôt mal barrés. Mon amulette me brûla alors la peau pour me rappeler sa présence, et je souris. J’avais peut être un plan pour nous sortir de cette impasse  finalement.

 

– Qu’est-il arrivé à ce mercurien ? cracha l’homme.

 

Il s’avança vers moi avec un air menaçant tout en fixant Konil.

 

– Bah vous lui avez tiré dessus, bande de débiles ! fis-je désinvolte.

 

L’homme, un homme plutôt jeune, me toisa avec dédain. Il s’était tellement rapproché que je pouvais voir très nettement l’expression de haine qui s’était figée sur son visage. Il essayait de s’infiltrer dans mon esprit. Je me fermai aussitôt. Il pouvait bien aller voir ailleurs si j’y étais.

 

– Comment faîtes-vous ça ? demanda-t-il en se concentrant davantage pour pénétrer mon esprit.

 

Il était dangereusement près. Braquant son arc sur moi. Un arc… qui ressemblait plus à un automatique. Je paniquai. Et en même temps je savais que la réussite de mon plan dépendait de notre proximité. Alors pourvu qu’il se rapproche plus, me dis-je. Ce que l’homme fit. Il n’était qu’à quelques pas de moi, peut être quinze. Il me regardait toujours avec son expression de merde, se butant sur le mur mental que je m’étais efforcée à bâtir durant toutes ces semaines.

 

– Faîtes au moins semblant d’avoir une once de capacité, le provoquai-je volontairement.

 

L’homme eut un rictus mauvais. Il fallait qu’il se rapproche davantage. La provocation l’y aiderait. Alutella m’incendiait littéralement la peau maintenant, attendant son heure.

 

– Petite traînée ! s’emporta soudain l’homme.

 

Il parcourut alors rapidement la distance qui nous séparait et s’apprêtait à me frapper au visage. Mais je me saisis d’Alutella qui se transforma immédiatement en épée. La lame transperça le mercurien, qui lorsque la vie le quitta, me jeta un dernier regard tour à tour haineux, et incrédule. Son corps s’écroula alors dans l’herbe rouge. Et un liquide rouge plus sombre, se répandit dans la végétation. C’était moi qui venais de tuer froidement quelqu’un. Je tressaillis. Mon haut-le-coeur ne dura que quelques secondes avant que je ne vérifie sans plus tarder, où était le groupe de mercuriens que j’avais vu quelques instants plus tôt. Ils avaient bien avancé. Je regardai alors mon amulette changée en épée.

 

– Sauve moi Alutella, lui dis-je désespérée.

 

Je restai littéralement scotchée à l’amulette que j’avais prise entre mes mains. Attendant presque qu’elle me réponde. Mais évidemment, rien ne se produisit et dans un soupire, je me résignai à laisser retomber Alutella au creux de mes seins. Elle était toujours chaude. Une autre flèche en métal venait de se planter dans le sol près de moi et les voix se faisaient de nouveau entendre. Il y avait décidément urgence à dégager d’ici. Je m’emparai des jambes de Konil, et avançai tant bien que mal vers la forêt, en soufflant.

Mais alors que j’avançai avec Konil, mon amulette se mit curieusement à vibrer sur ma peau comme jamais elle ne l’avait fait, et j’eus immédiatement un sentiment bizarre de légèreté. Mon regard se baissa sur Alutella ; elle vibrait toujours et étincelait d’une lueur rose éclatante. Je n’avais jamais vu ça. Je ne l’avais jamais vu comme ça. Et le plus effrayant dans tout ça, c’est qu’en baissant les yeux, je n’avais pas vu le sol sous mes pieds non plus.

Le champs d’herbes rouges était effectivement en dessous de moi… de nous rectifiai-je en observant le corps de Konil flotter dans les airs. Je paniquai. Et si nous retombions sur le sol ! Ça me rappelait cette brillante idée que Lucas avait eu un jour, de nous inscrire à un stage d’activités à sensations fortes. Plusieurs flèches en métal fendirent l’air à côté de Konil et moi, et je revins brusquement à la réalité.

 

– Capitaine, ils lévitent, regardez ! cria soudain l’un des hommes, probablement en nous apercevant.

– Tirez immédiatement ! répondit un autre.

 

Au loin, je vis pourtant distinctement ces nazes s’emparer de ce qui ressemblait à des arcs. Je pris conscience de notre nouvelle vulnérabilité, exposés tels que nous l’étions à la vue de tous. Mais je ne savais pas comment manier Alutella pour avancer.

 

– Alutella fais nous avancer jusqu’à la forêt, vite !

 

Alutella dû m’entendre car je sentis immédiatement mon corps prendre de la vitesse. Sans que je ne puisse rien contrôler. Celui de Konil avança également, et je le tenais toujours fermement entre mes mains… au cas où. A la vitesse de la lumière, on se retrouva dans la forêt même, à l’abri des mercuriens. Mais sans aucune idée de ce qu’il fallait faire ensuite. Face à ces nouveaux ennemis qui n’avaient rien avoir avec les Kuulans.

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